Une voiture s’arrête au milieu de la route non-goudronnée (on dirait aujourd’hui un chemin), en contrebas une de ces prairies infinies des Cévennes. L’homme se penche à la portière regardant la prairie :

– André tu vois cette tache blanche dans le pré ? Tu veux bien aller voir ce que c’est ?

Le gamin bondit de la voiture et court dans l’herbe haute ses jambes nues caressées par les fleurs et piquées par les ronces, il ne doit pas avoir loin de 10 ans. Au bout de sa course, une surprise l’attend un champignon blanc « grand comme un parapluie », il entend derrière lui la voix de l’homme : C’est une « coucoumelle », ramène-la « tarnagas ».

La voix est chaude remplie de cette rondeur méridionale, si loin des Paniolades qui deviendront bientôt tellement populaires. Alors le petit, tout fier ramène son trophée sans savoir qu’au bout de la route, à l’auberge ce soir, la patronne cuisinera pour tous ses pensionnaires le champignon mythique et des truites péchées dans le torrent juste en dessous et que tous partagerons le bonheur d’être à nouveau ensemble.

Cette scène si souvent revécue, embellie sans doute a bercé ma vie de jeune adulte, car André, « le tarnagas », est mon père et l’ « homme » était mon grand père, Voyageur de Commerce, des années vingt jusqu’au milieu des années soixante.

Mon engagement d’aujourd’hui doit beaucoup à cette réminiscence.